La « Montagne d’Or » est source de débats parfois houleux, en Guyane. Le projet minier promet la création de 750 emplois directs en phase d’exploitation, mais menace directement l’environnement local.
Il s’agirait du plus grand projet d’extraction d’or primaire en France, avec une superficie de 8 km² en pleine forêt tropicale. Situé au sud de Saint-Laurent-Du-Maroni dans l’ouest guyanais, il représente, selon la compagnie minière, un potentiel de 85 tonnes d’or à extraire.
Historique
L’histoire de Montagne d’Or commence en 1996. Le site est alors étudié par forage, ce qui permet de démontrer l’existence d’un
gisement d’or primaire sur place. S’en suit une série de campagne d’exploration, visant à définir clairement toutes les caractéristiques du gisement. En 2016, le partenariat entre Colombus Gold (société canadienne chargée de l’exploration) et Nordgold (société russe chargée de l’extraction) donne naissance à la Compagnie Minière Montagne d’Or.
Gisement prometteur
Si la découverte de ce gisement est relativement récente, le site, lui, est connu depuis longtemps. Les concessions minières de Paul-Isnard, où il se situe, sont déjà exploitées depuis plus de 140 ans, notamment pour son or alluvionnaire1. Issu de l’érosion du gisement primaire, il est relativement simple à extraire et ne nécessite pas, ou peu, d’engins industriels. Il est aussi la principale cible de l’orpaillage illégal. Mais le projet Montagne d’Or vise à extraire directement l’or primaire, une technique plus complexe mais aussi plus productive. La compagnie minière a évalué la teneur en or de la roche à 1,6 g par tonne, et prévoit d’extraire 6,7 tonnes d’or par an. Pour être viable, l’entreprise va donc devoir déplacer une importante quantité de roches. En comparaison, le recyclage d’une seule tonne de téléphones portables permet de récupérer 200 g du précieux minerai, ce qui évite au passage l’extraction de 125 tonnes de roches.
Créateur d'emplois
Il s’agit d’un des principaux arguments de la compagnie. Le taux de chômage en Guyane est l’un des plus élevés parmi les régions françaises, même s’il est passé de 22 % à 19 % en 2018. Le projet en phase d’exploration emploie déjà 26 salariés de manière permanente et promet d’accueillir jusqu’à 750 employés lors de la phase d’exploitation, qui durera au minimum 12 ans. Des emplois sans qualification requise, qui profiteront à la population locale, selon le consortium russo-canadien.
Une menace environnementale
Si le projet minier ne concerne que 800 hectares de forêts sur les 8 millions qui recouvrent la Guyane, le site abrite malgré tout environ un tiers de la biodiversité guyanaise. Parmi les quelque 2 100 espèces inventoriées par le bureau d’étude Biotope, au niveau du site minier, plus d’une centaine sont protégées. Une biodiversité remarquable, alors que le site est fréquenté depuis 140 ans. Mais cette présence n’a pas été sans conséquence : 55 % de la surface du site ne présente pas ou peu d’intérêt environnemental, car elle a été transformée par l’activité humaine.
Autre ombre au tableau, l’extraction de l’or nécessite l’utilisation de produits chimiques, notamment le cyanure. Si les aménagements prévus devraient limiter les dégâts sur l’environnement, le risque zéro n’existe pas. Situés à proximité, la réserve intégrale (cf. carte) et les écosystèmes aquatiques sont particulièrement sensibles. La contamination des nappes phréatiques et rivières par le cyanure et autres métaux lourds les dégraderait fortement.
Sujet de discorde
Le projet a été suivi de près par Emmanuel Macron, qui, dès 2015, a affirmé son soutien à sa réalisation. Devenu Président en 2017 il s’est heurté à Nicolas Hulot, alors ministre de l’Écologie, fermement opposé au projet. Un désaccord qui a finalement pris fin avec la démission du ministre.
En 2016, le collectif « Or de question » est créé. Il regroupe de nombreuses associations guyanaises et des ONG comme le WWF France. Un moyen pour la population locale d’exprimer sa méfiance envers la future mine à ciel ouvert. En 2018, un débat public est organisé, afin de permettre aux différents acteurs d’exposer correctement leurs arguments. Utilisé par le maître d’ouvrage comme moyen de communication, il a surtout révélé une réelle inquiétude quant au sort de la forêt. Une étude IFOP a, en effet, confirmé que 81 % des interrogés pensent que la Compagnie Montagne d’Or représente un risque important pour l’environnement. Cette même enquête a révélé que la majorité de la population (69 %) est purement et simplement opposée à la réalisation du projet. Si pour le moment, l’État ne l’a pas validé de manière définitive, l’entreprise prévoit toujours un début d’exploitation à l’horizon 2022.
Plus d'infos : Le site du projet
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