Quentin Zinzius

Chasse à courre : Le petit chat et la souris

Mis à jour : 21 sept. 2020

Samedi 23 novembre en forêt de Tronçais, dans l’Allier. La forêt est encore silencieuse, mais les membres du collectif Arrêtons la Vénerie Aujourd’hui (AVA) savent que cela ne va pas durer. Dans quelques heures, une chasse à courre va débuter, et faire de ces bois le théâtre d’une course poursuite hors-normes entre les chasseurs et leur gibier.

Les 3 membres du collectif réunies ce jour là ont souhaité cacher leur identité.

Le collectif voit le jour dans le département en décembre 2018, quand des chiens de chasse à courre s’introduisent dans un jardin, et tuent le chaton des propriétaires. Pour *Céline c’est le débordement de trop.

« Cette pratique est hyper dangereuse, les villages, les routes leur appartiennent ! ». Avec d’autres habitants, elle créé le collectif. Ce jour-là, elles sont trois femmes à se présenter pour surveiller la traque. « On ne manifeste pas. Faire obstruction à la chasse est interdit par la loi, on peut juste surveiller que les règles soient bien respectées ».

Chasseurs chassés

La forêt de Tronçais est grande. Les chasseurs ont à leur disposition des milliers d’hectares, ce qui ne facilite pas le travail du collectif. En effet, avant de pouvoir les surveiller, elles doivent les trouver. Il est 10h quand elles commencent leurs recherches. La pluie qui tombe depuis tôt le matin ne facilite pas la chose, car elle couvre les cris des chiens. Au bout de quelques kilomètres, un premier panneau confirme la présence des chasseurs dans les environs. Les voitures quittent la grande route et empruntent les chemins boueux pour tenter de localiser la traque. Après une demi-heure de recherches infructueuses, un homme leur indique la position possible de la chasse. Les 2 voitures se séparent alors pour couvrir plus de terrain.

L'équipage de chasse à courre, composé des chevaux et de leur cavalier, et des chiens.

« C’est le jeu du chat et de la souris. On ne sait pas où ils vont être, mais on sait qu’ils sont là ».

La petite équipe remonte les colonnes de voitures laissées en bord de route par les suiveurs, quand elle fini par repérer l’équipage, composé des chiens, des chevaux et de leurs cavaliers. « Ils sont là ! Ils sont là !! Regarde-les, ils sont contents avec leur coutume du Moyen-Âge ! » indique *Rose. Posées sur le volant, ses mains tremblantes montrent une peur que la jeune femme peine à contrôler. « C’était il y a un mois, je cueillais des champignons quand je me suis retrouvé au milieu d’une chasse » explique-t-elle. Depuis, elle participe régulièrement à ces suivis de chasse.

Sous contrôle

Le petit groupe n’est pas le seul à suivre de près la chasse à courre. Plusieurs gendarmes sont présents sur les lieux, mais ils ne surveillent pas les chasseurs. « Ils sont là pour nous […] ils prennent nos plaques [d’immatriculation], et contrôlent nos identités ». C’est l’air grave que le gendarme s’approche de la voiture. Vérification des papiers, inspection du véhicule … un contrôle qui pourrait paraître banal. Puis il se dirige à l’arrière du véhicule, et prend en photo les stickers du collectif, déposés sur la vitre arrière. « On va se revoir dans la journée hein ! », lance-t-il à la conductrice. Des mesures qui ne font pas peur à ces militantes. Au total ce jour-là, 3 contrôles différents seront effectués sur la petite équipe.

Un labyrinthe

La traque, elle, ne s’arrête pas pour un éventuel contrôle. Les chiens traversent les routes et les chemins, suivis de près par les chevaux. Le dédale entre les différentes propriétés ne facilite pas la tâche de l’association. En effet, nombre de bois appartiennent à des propriétaires privés, qui laissent les droits d’entrée aux chasseurs, mais pas au collectif. Les accès sont donc réglementés, et les quelques chemins libres d’accès sont parfois obstrués par les suiveurs eux-mêmes avec leurs 4X4. « Ceux avec les gilets jaunes sont leur milice en quelques sortes, ils nous empêchent coûte que coûte d’approcher la CAC [Chasse à Courre] ».

La « milice » empêche le collectif d'approcher la traque.

Après 3 heures à les suivre, nous croisons un cheval à bout de souffle le long d’un chemin. « Ce ne sont que des instruments pour eux, le pauvre il souffre » constate Rose. Après cette ultime rencontre, la traque est perdue de vue. Les deux heures suivantes passées à arpenter les chemins ne permettront pas de retrouver la chasse. Une situation finalement courante pour l’association, qui manque de volontaires pour surveiller cette activité. Mais pas de quoi décourager les trois femmes, très investies. « Celui qui ne dit rien, accepte », conclut Céline.

Finalement, le lendemain apporte la confirmation qu’un jeune cerf à bien été tué, après avoir passé 6 heures poursuivi par chiens et chasseurs. Une longue course vers la mort pour l’animal, à l’heure ou la condition animale est au cœur des débats.

*Les membres du collectif ont souhaité que leurs identités ne soient pas révélées.

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